L’histoire des Billettes

Le cloître et l’église des Billettes sont des édifices religieux protestants, d’origine catholique du 4e arrondissement de Paris, situés au 24 rue des Archives. L’église est affectée au culte de l’église luthérienne.

 

Édifiée en 1294, l’église des Billettes était à l’origine une chapelle destinée à honorer un miracle qui suscitait une grande ferveur populaire. Une hostie aurait été profanée par le juif Jonathas, qui l’aurait entaillée au couteau. Elle aurait alors saigné. Puis, jetée dans l’eau bouillante, elle se serait mise à voler. D’où le nom de l’emplacement : « la maison où Dieu fut bouilli » où l’édifice fut construit. Jonathas fut condamné à mort et brûlé.

En 1299, les frères hospitaliers de la Charité Notre Dame (également appelés billettes) furent appelés par Philippe IV de France, Philippe le Bel, pour assurer les services religieux. L’église devint un lieu de pèlerinage si important que la communauté des Billettes reçut assez de dons pour faire reconstruire l’église en 1405 et y ajouter un cimetière et un cloître en 1427. Bien que plusieurs fois modifié et restauré, c’est le seul cloître du Moyen Âge qui subsiste à Paris. Les maisons au-dessus des galeries datent des XVIIe et XIXe siècles.

En 1633, l’église fut prise en charge par les Carmes de l’Observance de Rennes, dit Carmes-Billettes. Dès le début du XVIIe siècle, ils envisagèrent de reconstruire l’église gothique du XVe siècle, mais ils se heurtèrent à l’opposition des marguilliers de la paroisse voisine de Saint-Jean-en-Grève qui voyaient dans ce projet, une atteinte à leurs revenus. Une transaction fut conclue entre les parties en février 1632, homologuée par le Parlement de Paris en mai 1633. Mais elle ne fut pas appliquée, faute de bâtiment. En décembre 1668, Mademoiselle du Parc fut inhumée « aux Religieux Carmes des Billettes ». La querelle refit surface au milieu du XVIIIe siècle, à l’occasion des nouveaux projets de reconstruction de l’église. Elle ne sera tranchée définitivement qu’avec la nouvelle transaction de septembre 1755 et l’arrangement de juillet 1756.

C’est en 1742 que les Carmes-Billettes se décidèrent à relancer la reconstruction de leur église. Leur nombre était passé de 14 au XVIIe à 50 au milieu du XVIIIe. Ils firent appel en juin, à l’architecte Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1711-1778), dernier des Mansart et petit-fils de Jules Hardouin-Mansart, qui venait d’être désigné le mois précédent par Louis XV pour la construction de l’église Saint-Louis de Versailles, premier grand chantier religieux royal du règne. Mansart se livra d’abord à une expertise des lieux.

En 1744, il dressa un second procès-verbal pour la réalisation de son projet. Il prévoyait de déplacer l’église sur un terrain voisin appartenant aux Carmes et de l’ouvrir sur la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. La capacité de l’église passait de 960 à 1200 fidèles. Saint-Jean-en-Grève vit là une violation flagrante de la transaction de 1632. Jean Beausire, architecte de la ville de Paris et marguillier de la paroisse, dressa un procès-verbal de contestation qui fut attaqué à son tour par Mansart de Sagonne. Les deux hommes furent départagés par le procureur général du Parlement, Joly de Fleury, qui constata une différence de 7 toise entre la surface de l’église et celle du projet envisagé. Mansart livra donc un second projet remis à Joly de Fleury en 1748, mais la nef fut jugée toujours trop vaste. Le projet n’évolua guère jusqu’à ce que Mansart réclamât son dû : à la suite d’une condamnation des requêtes du Palais, les religieux lui versèrent, le 3 septembre 1750, 3165 livres 1 sol 7 deniers.

 

Le projet ne fut repris qu’en 1752 et approuvé définitivement en janvier 1753. Son auteur n’est pas précisé. La reconstruction de l’église eut lieu, non de 1753 à 1756 comme on le prétend trop souvent, mais de 1754 à 1758. Nul doute que le projet final avait repris tout ou partie des solutions envisagées par Mansart de Sagonne. Les religieux n’avaient pas versé plus de 3000 livres pour que son projet demeurât dans les cartons. L’influence de Mansart de Sagonne est en effet manifeste en plusieurs endroits : on retiendra d’abord le plan rectangulaire prolongé d’une rotonde, solution que son aïeul Hardouin-Mansart avait adopté aux Invalides.

La présence de pots-à-feu de part et d’autre de la façade est une formule adoptée par Mansart de Sagonne à Saint-Louis de Versailles, ainsi que dans son projet pour la Madeleine de Paris. Enfin, la présence de palmes sur cette même façade est un motif fréquent dans la tradition Mansart. L’attribution à Mansart de Sagonne ou à un de ses émules apparait encore plus manifeste si l’on sait que l’église était le siège de l’ordre de Saint-Lazare et du Mont-Carmel qui eut parmi ses plus illustres membres, Jules Hardouin-Mansart.

L’attribution de l’église actuelle au frère Claude, dominicain du noviciat général de Paris, auteur de Saint-Thomas d’Aquin, ne repose sur rien. Son nom n’apparait sur aucun document ou plan relatif à la reconstruction. Il n’est mentionné pour la première fois comme auteur de l’église qu’en 1787, dans le guide de Luc-Vincent Thiéry. Ni Dezallier, ni Piganiol ne le mentionnent auparavant. Il semble que Thiéry faisait plutôt allusion à l’auteur des restaurations de l’église en 1779, soit 21 ans après sa reconstruction. Le nom de Mansart de Sagonne comme auteur ou inspirateur de l’église s’impose à l’évidence.

À la Révolution, l’église et le couvent sont désaffectés et vendus à des particuliers.
En 1808, l’empereur Napoléon autorise la Ville de Paris à acquérir l’ensemble des bâtiments pour les affecter au Consistoire de l’Église luthérienne. C’est donc en 1808 que l’église luthérienne s’installe dans ses locaux. L’aménagement intérieur de l’église date pour l’essentiel de l’Empire et du règne de Louis-Philippe, sauf l’autel et le lutrin de création contemporaine. L’orgue a été réalisé entre 1982 et 1983 par le facteur d’orgue Mülheisen.

Sources :

Page Wikipédia « Cloître et église des Billettes ».

Étude historique et architecturale de l’église : Philippe Cachau, L’église des Carmes-Billettes de Paris : une église d’après Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1744-1758), fév. 2016, 35 p.

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